Marcher
dans la foi à travers tout notre vécu
Nous sommes dans l’année de la foi inaugurée
par le pape Benoît XVI. C’est sans doute l’occasion pour nous de vivre un
renouvellement, un approfondissement au niveau de notre foi pour que notre vie
d’enfant de Dieu, de prêtre, de missionnaire soit plus ajustée à l’évangile, et
que notre témoignage puisse porter plus de fruits au cœur de notre mission.
Quand Jésus rencontre quelqu’un, il le
provoque à un chemin de foi : la samaritaine, Zachée, la pécheresse adultère
que les phariesiens veulent lapider…. Et
ce chemin de foi les conduit à une conversion, un changement de vie. C’est un
tournant dans leur vie grâce à cette rencontre particulière, bouleversante de
Jésus qui les touchés au plus profond de leur cœur. Il est toujours nécessaire
qu’il y ait cette rencontre personnelle avec Jésus pour qu’il y ait un
changement profond dans notre vie.
Ce qui est important pour Jésus, c’est d’abord
de nous rencontrer pour se révéler à nous et ouvrir notre cœur à la foi en Lui.
C’est aussi le désir du Père : « Le Père a tant aimé le monde qu’Il a
envoyé son Fils dans le monde pour que tous ceux qui croient en lui aient la
vie éternelle. » Jean 3,16. Et un jour où les pharisiens posaient la
question à Jésus : « Que faut-il aire pour faire les œuvres de
Dieu ? » Jésus avait répondu : « L’œuvre de Dieu, c’est que
vous croyiez en celui qu’Il a envoyé. » Jean 6,29
Et toutes ces rencontres invitent à la
confiance et provoquent un changement profond dans la vie des personnes
rencontrées. Le regard de Jésus posé sur chacun de nous est chemin de guérison
et de confiance. Quand on fait cette rencontre, quand on accueille le regard de
Jésus, nous pouvons en être bouleversé, et un chemin nouveau s’ouvre pour nous
parce que nous avons rencontré et accueilli Jésus notre Seigneur, notre
Sauveur, notre Libérateur, et nous nous sommes laissés accueillir par Lui.
Notre foi en Jésus est la première raison de
notre engagement dans la mission que nous vivons ici en Afrique. Mais cette
foi, pour pouvoir s’exprimer en toute liberté, conduite par l’Esprit, a besoin
d’être libérée, purifiée, nourrie pour que notre attachement à Jésus soit de
plus en plus solide et que nous en arrivions à une totale confiance, même au
cœur des difficultés que nous rencontrerons
sur notre route.
Il m’a semblé important pour nous de repérer
quelques liens entre notre foi et notre notre expérience de vie d’enfant de
Dieu engagés dans la mission que nous vivons maintenant.
1 - Lien
entre foi et pauvreté du coeur.
Je crois que c’est un point essentiel que
Jésus souligne dans l’Evangile. C’est la première béatitude.
Quand je travaillais à l’animation
missionnaire, entre 1984 et 1988, au cours d’une semaine missionnaire dans une
paroisse de Loire Atlantique, nous célébrions la fête de la Toussaint.
L’évangile était la proclamation des béatitudes.
J’avais préparé une homélie, tout était écrit,
et au cours de l’homélie, j’avais dû m’arrêter, saisi par la première
béatitude. Mes papiers étaient tombés par terre, et je ne les avais pas
ramassés. J’avais dû m’excuser auprès de l’assemblée qui comptait un bon
millier de personnes pour demander quelques minutes de silence pour accueillir
ce que je devrais dire et que je ne savais pas encore.
« Heureux
les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux. » Cette parole m’avait saisie
et je la laissais imprégner mon cœur avant de pouvoir reprendre la parole et
continuer l’homélie. Je ne sais plus ce que j’ai dis ensuite, mais j’ai laissé
parler mon cœur, et j’ai compris ce jour-là, que je n’avais pas à dire ma
parole, faire un discours, mais j’avais à accueillir une parole qui ne
m’appartient pas, qui me dépasse et qui me fait vivre. Ce jour-là, j’ai senti
que le cœur du pauvre était le terreau qui permettait d’accueillir le Royaume
de Dieu et de se mettre vraiment en route avec Jésus, et cela quoiqu’il arrive.
Ce jour-là j’ai perçu avec force et douceur que cette première béatitude était
la clé d’accueil de l’évangile, de la Parole de Dieu : elle éclaire toute
notre vie d’enfant de Dieu. Cette expérience m’avait bouleversé, et elle ne m’a
jamais quitté. Jésus nous a dit lui-même qu’Il est doux et humble de cœur. Il nous
faut prendre le temps de le contempler dans sa douceur et son humilité. Avec
Lui nous deviendrons alors non pas des maîtres, mais des serviteurs doux et
humbles de cœur.
2 - Lien
entre foi et chemin de libération, accueil de notre pauvreté et expérience de
la miséricorde de Dieu :
blessé, malade, lié dans
des comportements, des attitudes de toute puissance, lié par l’argent, blessé
dans mon enfance pour de multiples raisons, dans mes relations avec les autres,
blessé par des événements douloureux du passé, bloqué par des rancoeurs, des
rancunes, des difficultés à pardonner … j’ai besoin de guérison, de libération.
Et j’ai à poser un acte de foi : Jésus est mon Sauveur, Il est le Sauveur,
le Seigneur de toute ma vie.
Tant de blessures, de blocages … peuvent
m’empêcher de vivre pleinement la mission. Nous sommes les premiers à avoir
besoin du salut de Jésus Christ que nous proclamons. Il ne faut pas nous situer
au dessus des autres. La pauvreté du cœur, l’humilité va nous permettre de
vivre ce chemin. Tout chemin de guérison est un chemin de foi, de conversion,
de découverte plus grande de la miséricorde de Dieu, et nous fait devenir plus
libre, nous libère de la susceptibilité et de tant de blessures, de difficultés
à pardonner, à nous accueillir les uns les autres, et nous fait grandir dans
l’amour fraternel, dans l’accueil des autres.
Quand on a vécu un chemin de guérison, on ne
se laisse plus blesser autant qu’avant par des attaques nouvelles. Quand on est
blessé, on est souvent blessant, sans s’en rendre compte la plupart du temps.
Mais quand on vit un chemin de guérison, on devient instrument de guérison dans
la main de Dieu, on peut mieux manifester la miséricorde de Dieu à travers la
vie avec nos frères. Je constate cela à travers beaucoup de personnes qui ont
vécu une ou plusieurs école de prière au
cours desquelles, elles ont vécu un chemin de guérison profond.
Dieu
fait tout concourir au bien de ceux qu’Il aime, même nos difficultés, nos
blessures, nos souffrances. Et cette expérience nous fait devenir plus humble
et fortifie notre foi.
3 - Lien
entre foi et pauvreté matérielle :
Il n’est pas
toujours facile de ne pas s’inquiéter du matériel. Il est utile, même
nécessaire. Mais si la préoccupation du matériel, la peur de manquer nous préoccupe
trop, notre cœur ne serait pas entièrement disponible pour la mission. Jésus,
lorsqu’il a envoyé ses disciples en mission leur a demandé de ne pas
s’inquiéter, de faire confiance. Faire confiance en la Providence m’a beaucoup aidé
dans le service des jeunes de la rue et en difficulté (ex au CEO et aux
ateliers, et aussi pour la restauration des bâtiment de Masaga, pour les écoles
de prière.)
Mais faire confiance peut aussi être un appel
à modifier certaines choses dans notre manière de vivre, notre standing, même
s’il n’est pas forcément exagéré. Il est bon de se resituer devant le Seigneur,
de nous laisser interpeller par sa Parole pour nous remettre peut-être en cause
dans telle ou telle manière de vivre, tout cela pour être plus libre pour la
mission, pour être plus proche des pauvres, pour faire confiance au Seigneur
qui veille sur nous, et qui sait mieux que nous ce dont nous avons besoin.
4 - Lien
entre foi et prière :
La prière est une démarche
de foi, elle ne change pas Dieu, mais elle nous rapproche de Lui par Jésus.
Elle nous donne de nous attacher à Lui et de lui faire confiance.
La prière est expression de notre foi, elle
nourrit aussi notre foi. Nous savons bien que lorsque la prière est un peu
laissée de coté dans notre vie, notre vie n’a plus la même tonicité, elle
s’affadit, et le découragement peu facilement s’installer en nous. Notre vie apostolique risque de s’appauvrir et nous
risquons aussi de nous laisser emporter par d’autres préocupations. Jésus
lui-même vivait sa mission sans cesse en communion avec son Père. Et il nous
invite à faire de même : « Demeurez dans mon amour… Veillez et
priez. »
Sans la
prière, sans demeurer dans l’Amour du Seigneur, nous ne pourrions vivre la
mission qui nous est confiée, ou du moins nous la vivrons d’une manière
rétrécie, handicapée, au ralenti. Nous ne pourrons pas porter vraiment des
fruits. Et nous ne serons vraiment habité par la joie.
La prière est don de l’Esprit pour une
croissance dans la foi, pour une plus grande communion dans l’amour du Seigneur
qui nous pousse à aller vers les frères. Peut-être cette année de la foi, nous
pourrions réajuster notre vie de prière. Nous en serons les premiers
bénéficiaires, puisque, comme nous le dit la 4° préface des temps ordinaire en
semaine, la prière ne change pas Dieu, mais elle nous rapproche de Lui par
Jésus.
5 - Lien
entre foi et vie fraternelle.
Oser croire que Dieu est
amour me conduit à pouvoir aimer mon frère en me laissant conduire par l’amour
de Dieu qui m’habite.
Le signe le plus essentiel de notre mission
est que nous nous aimons les uns les autres. Sans cela aucune communauté,
qu’elle soit paroissiale, sacerdotale, familiale, ne pourra porter des fruits.
Ce serait un désastre, et hélas cela arrive dans tous les types de communautés.
Jésus Lui-même nous a bien dit : « Sans Moi, vous ne pouvez rien
faire. » Peut-être nous l’oublions souvent. D’autant plus que chacun de nous
est avec ses limites, ses faiblesses, ses blessures et qui peuvent nous
handicaper sérieusement tant qu’on ne les a pas reconnues, acceptées, offertes
au Seigneur comme des pauvres. Au lieu de devenir humbles et fraternel en nous
laissant toucher par l’Esprit d’Amour, nous pouvons entrer dans un chemin de
dureté, d’aveuglement, de rejet des autres, voir de haine, et ce serait un
chemin de mort, alors que le chemin de la pauvreté est chemin de vie :
« Heureux les pauvres, le Royaume de Dieu est à eux » En effet quand
un pauvre crie, Dieu écoute, nous dit le ps 34
Cette vie fraternelle, qui se manifeste à
travers la vie communautaire est essentielle pour devenir les témoins de
l’amour du Seigneur. Notre première mission est d’aimer et de témoigner de cet
amour qui npous habite. On appellait les premiers chrétiens en exprimant ce
qu’ils vivaient en profondeur : « Voyez comme ils
s’aiment. » Même si tout le monde ne vit pas la même mission dans le
concret, toutes les formes ou expressions de la mission sont orientées vers le
même but : révéler l’amour de Dieu, et cela ne pourra se faire que si nous
nous laissons habiter par l’amour de Dieu rendu visible dans l’amour fraternel.
Oser croire que Dieu est amour et que son
amour peut transformer, transfigurer notre vie, notre relation avec le Seigneur
et avec nos frères, cela peut nous conduire loin dans la mission.
6 - Lien
entre foi et mission.
Nous sommes envoyés et non
propriétaire de la mission. Elle n’est notre œuvre, mais l’œuvre de Celui qui
nous envoie, Jésus. Alors les difficultés ne vont pas nous conduire à la
désespérance, mais à la confiance : «Rien me peut me séparer de l’amour du
Christ….. Je sais en qui j’ai mis ma confiance… » nous dit S Paul.
Aujourd’hui, le visage de la mission a un peu
changé par rapport au passé. Bien sûr c’est toujours le même évangile que nous
allons proclamer, c’est toujours à la suite de Jésus que nous allons marcher.
Mais la manière de rejoindre nos frères, compte tenu de la société
d’aujourd’hui, des ses difficultés, de ses blessures, de ses souffrances, peut
nous conduire sur des chemins nouveaux.
L’Esprit ne manquera pas de nous ouvrir des chemins nouveaux pour que le
message d’amour de Jésus puisse rejoindre le cœur de chacun d’entre nous, traverser
nos sociétés humaines, nos cultures, nos familles, notre monde qui perd ses
repères en particulier au niveau de la famille, avec toutes les conséquences
graves qui retombent sur les enfants qui en sont les premières victimes.
Il nous
faut continuer à vivre notre charisme SMA à travers des chemins nouveaux, en
particulier au service des plus pauvres.
Sommes-nous prêts à accueillir, en faisant
preuve de créativité pour le service du Royaume, notre mission, selon notre
charisme SMA, auprès des plus pauvres, sur des terrains nouveaux, accueillir
des situations nouvelles de pauvreté de notre monde d’aujourd’hui. Tout le
monde ne vivra pas forcément la même forme de mission, mais si nous nous
mettions à l’écoute de l’Esprit, la mission pourrait bien avoir des visages
variés, nous pourrions marcher sur des routes nouvelles qui nous redonneraient
un dynamisme missionnaire dont l’Eglise a bien besoin en Afrique et ailleurs,
sans pour autant renoncer à ce que nous faisons actuellement. L’Esprit est
sûrement prêt à nous conduire sur des routes nouvelles. A nous d’accueillir ces
nouveautés ! J’espère que dans nos partages, nos réflexions, cela nous
habitera et que nous sortirons de cette rencontre, en étant à l’écoute d'appels
nouveaux, nous accueillerons des projets nouveaux qui permettront aux membres
de la SMA de se sentir heureux dans leur vocation, dans le charisme SMA vécu
concrètement aujourd’hui. L’Esprit nous conduira sur des routes nouvelles.
Je vois, par exemple l’accueil que vivent un
nombre important d’accompagnateurs, au service des écoles de prières, ou
d’autres formes de service. Ce sont des engagements nouveaux. L’année dernière
j’ai accueilli 24 frères et sœurs pour ce service au cours des écoles de prière
de l’année dernière pour accueillir à Masaga et à Zagnanado environ 180
personnes pour une durée de 10 jours. Ce temps pris sur leur congé a été offert
pour le Royaume de Dieu.
7 - Lien
entre Foi et joie :
nous sommes appelés à être
des témoins joyeux parce que nous sommes habités par l’amour de Dieu. St
François d’Assise interdisait à ses frères d’aller prêcher la Bonne Nouvelle
quand ils avaient le visage triste, parce qu’on ne peut pas porter la joie en
étant habité par la tristesse. C’est vrai que nous pouvons connaître des
moments difficiles, des moments de tristesse, mais notre foi en Jésus qui nous
donne sa joie et sa paix nous libérera de la tristesse. Jésus nous a bien dit
qu’il est venu pour que nous ayons la paix et la joie en abondance.
Des
choix à faire
Dans notre vie personnelle, mieux accueillir
le visage de Dieu que Jésus nous révèle. Cela suppose un approfondissement dans
notre prière, dans l’accueil de la parole de Dieu. Nous resituer dans l’écoute
de la parole de Dieu plutôt que dans le savoir que nous croyons posséder.
Dans notre vie sacerdotale, mieux ajuster nos
choix de vie à ce que Dieu attend de
nous. Peut-être avons-nous besoin de redécouvrir la pauvreté évangélique pour
être plus disponible à la mission qui nous est confiée.
Mieux faire nos choix pour mener une vie plus
équilibrée en donnant à chaque chose
importante sa place : la prière, l’étude, la vie apostolique, la détente,
la vie fraternelle, les repas partagés fraternellement … Au Sacré Cœur autrefois, quand nous étions
une équipe SMA, j’ai entendu plusieurs fois des paroissiens me
dire : « On voit bien que vous vous aimez ». Est-ce que ce
n’est pas la première exigence pour vivre la mission et qu’elle puisse
porter des fruits? Bien sûr, la vie fraternelle n’est pas toujours facile. Nous
avons nos qualités et nos défauts, nos différences. Mais est-ce que nous
croyons que la vie fraternelle est la première condition de toute évangélisation ?
Est-ce que nous ne pourrions pas faire un effort dans ce sens. Ce serait pour
le Royaume de Dieu, mais aussi pour notre bien et notre joie.
En cette année de la foi, que le Seigneur nous
visite pour nous nous faire grandir dans la foi, dans la joie, dans la paix et
dans l’amour, pour que nous puissions être des témoins de Jésus auprès de nos
frères vers qui nous sommes envoyés. Et que dans cette mission qui nous est
confiée notre joie soit parfaite, débordante.